Le village d’Evenos : le récit de l’abbé Saglietto

« Pour donner au village naissant une sécurité  plus complète, le maître de la Place fit édifier la première enceinte en même temps qu’un bassin- citerne destiné à l’alimentation des assiégés en cas d’attaque.

A la suite de nombreuses dévastations commises tout le long du littoral pendant le XIIe siècle par les maures, la petite agglomération du rocher d’Evenos, s’augmentant de nouveaux fugitifs , déborda sur le versant nord, sous le donjon. Minuscule chapelle du château ne suffisant plus on éleva une église plus spacieuse( sous la tour grande) qui devait devenir plus tard, d’après un inventaire de 1590 la chapelle du St Esprit. Ce nouvel accroissement nécessita une extension des premiers remparts, aux flancs intérieurs desquels vinrent s’accrocher de nouvelles habitations. Il nous faut renvoyer à bien plus tard, peut-être au XVIe siècle, la construction de la seconde enceinte dont les éléments de composition et surtout leur arrangement sont très différents de l’ancienne.

Ruelle du vieil Evenos : Nebre

Le siècle suivant vit s’aligner les maisons de la bourgade, qui pour n’avoir pas trouvé place à l’intérieur  des fortifications, ne comptaient pas moins sur la sécurité fournie par les remparts à l’heure du danger.

C‘est probablement pour donner satisfaction à cette fraction imposante du bourg, qu’au XIIIe siècle fut bâtie hors les murs juste en face de l’unique porte du castrum. Ses dimensions bien supérieures à celle de sa devancière, située nous l’avons vu sous la Tour Grande, prouvent également une sérieuse augmentation de la population, due peut-être aux ravages causés par les pestes qui régnaient dans la région.

Nous touchons ainsi l’époque où le village d’Evenos avait atteint son plein développement et où, par coquetterie, ses rues commencèrent à porter chacune un nom: la rue du Portail, celle de l’Escaillon, du Bon Temps , de la Caranque, etc…ainsi qu’en témoigne le
La prospérité du bourg n’alla pas sans celle du terroir. Les bouches  s’étant multipliées, il fallut nécessairement demander à la terre de quoi les nourrir. C’est de cette époque que datent ces nombreuses murailles destinées à soutenir le sol arable des versants des collines, aujourd’hui envahies par les essences forestières, de même que les multiples tas de pierres des hauts plateaux  et même des sommets, marques évidentes de leur mise en culture. Il n’y avait pas de bois »en » Christine, à Venette, à Cimaï, à Ville, à la Colle, sur les pentes de Marou, aux alentours de l’Aire Profoundado, la moitié moins dans la vallée du Destel, en Morière, très peu en Reppe, etc…

Les principales cultures qui suffisaient  alors, étaient le froment, l’olivier et la vigne. La farine sortait du moulin de la Foux, dont on voit encore les ruines, l’huile des moulins de la rue du Portail et de celle du Bon-Temps, et le vin des « caucadisses » situées près des cuves ou tonneaux dans les maisons de propriétaires.

La population d’Evenos, dans la première partie du XIVe siècle pouvait s’élever à 600 âmes environ. Entassée, comprimée sur un espace réduit, elle ne devait pas tarder dans les périodes de sécurité qui suivirent, à vouloir revenir sur les divers points du territoire ou de la région, que les anciens avaient dû abandonner sous l’empire de la crainte; les travaux agricoles y étaient moins pénibles et donnent un meilleur rendement, les hivers moins rigoureux et le commerce des divers produits, plus facile,  pour ces raisons donc, l’exode commença et suivit une progression constante jusqu’à mettre en danger au bout d’un certain nombre d’années, l’existence même de la commune.

En l’année 1577, le livre terrier comptait 252 propriétaires, dont 100 habitaient Ollioules, 32 à Toulon, 11 Le Revest, 10 Le Beausset et 98 Evenos. Si maintenant, de ce dernier chiffre nous retranchons tous ceux qui s’étaient fixés aux quartiers soit du Broussan, soit de Ste Anne, c’est à dire la moitié, il nous reste le petit nombre d’une quarantaine . A cette époque, par conséquent, il y avait déjà beaucoup de vide dans le village.

Sans doute, la plupart des maisons inoccupées s’ouvraient encore le dimanche, parce que leurs propriétaires venaient régulièrement de leur campagne à l’église, remplir leurs devoirs religieux, mais combien de celles possédées par des ollioulais ou toulonnais restaient obstinément closes, accusant de plus en plus un abandon qui ne faisait que précipiter leur ruine. »