EVENOS au XVIIIe siècle : la grande misère

Nebre, vue depuis le Fort du Pipaudon – crédits Mairie d’Evenos

 » En 1709, quantité de propriétaires, dont le nombre était loin d’avoir diminué pendant le cours du XVIIe siècle, se désintéressant totalement des terres qu’ils possédaient sur la commune, avaient cessé d’en payer les tailles. Dans la délibération du 21 mars 1712, le conseil communal se plaint de cette négligence et décide une démarche auprès du Sénéchal de Toulon, afin d’en obtenir l’autorisation de vendre les biens qui, depuis quelques années, ne rapportaient plus rien au fisc. Cette mesure n’eut aucun succès.

L’ordonnance royale du 6 novembre 1717, exemptant les acquéreurs des biens abandonnés de tout impôt pendant 5 ans, n’amena pas de meilleur résultat. Etait-ce parce que l’administration communale avait manqué de zèle ainsi que les consuls en font l’aveu au cours  d’une séance de l’année 1724 ?. La chose est fort douteuse puisqu’en 1736, elle se voit obligée de reconnaître que la moitié du terroir est inculte et abandonné à la commune. Il est facile de comprendre comment ce délaissement toujours croissant des terres alourdissait de plus en plus les tailles des autres propriétaires. Aussi leurs plaintes répétées, plus que justifiées, provoqua la déclaration royale du 25 octobre 1767; elle est en quinze articles dont  voici les principaux :

  • art.VI- Les défricheurs jouiront de l’exemption de la dime pendant 15 ans.
  • art.VII- Les biens (incultes depuis 40 ans) défrichés ne seront pendant 15 ans imposés ni en argent ni en fruit et cela aussi bien de la part du royaume, de la province que de la communauté.
  • art. XII- Les étrangers qui se rendront en France pour défricher seront réputés régnicoles et jouiront comme tels des mêmes avantages que ceux dont jouissent nos sujets.

Malgré ces avantages considérables, les acquéreurs ne se présentèrent pas. Et, c’est ainsi que le rendement du territoire communal continua à s’appauvrir pour n’être en 1780 qu’un tiers de ce qu’il était un siècle auparavant.

Les raisons de cet abaissement extraordinaire  nous les trouvons d’abord dans la configuration du sol, tourmenté, fait de hautes collines rocheuses, de vallées étroites et profondes et n’offrant de surfaces planes que pour un dixième de son étendue.

La culture des sommets rocailleux comme des pentes étaient difficile. Si le rendement des parties basaltiques se montrait généralement satisfaisant, celui par contre des régions calcaires exigeait un pénible labeur et surtout l’aide onéreuse  d’un fumier abondant. Un arrêté du conseil communal du 29 novembre 1737 portant défense aux bergers ou propriétaires de troupeaux de vendre le fumier aux étrangers sous peine de trente livres d’amende et la confiscation, nous révèle le rôle important que jouaient les engrais dans la culture des terrains.

A ces obstacles émanant de la nature des lieux, vinrent s’ajouter l’épreuve des froids terribles qui sévirent pendant le cours du XVIIe siècle.

La neige de l’hiver 1709 empêcha les semailles et nécessita deux emprunts de blé tandis que de son côté le froid brûlait les oliviers, figuiers, vignes, pins et chênes. Même calamité en 1713 et en 1756.

Le compte-rendu des délibérations de l’époque souligne la misère noire de la plupart des habitants qui furent obligés d’aller chercher du travail soit à Ollioules soit à Toulon pour ne pas mourir de faim.

Mais une des principales causes de l’abandon du sol fut surtout l’impôt . Evenos, au lieu de bénéficier d’une réduction de tailles à chaque nouvel affouragement, par suite de la diminution progressive de sa population se voit au contraire chaque fois écrasée par de plus lourdes charges financières. Le conseil communal ne cesse de protester. Il le fait en des termes particulièrement émouvants en 1735. (Toutes les récoltes du sol, dit-il ne suffiraient pas à payer les tailles dues per les propriétaires dont la moitié sont devenues communales du fait de leur délaissement.) Rien n’y fait, toutes les réclamations restent sans réponse et sans effet. Cette obstination de la part des procureurs du pays à ne pas faire droit à ces légitimes revendications, finit par exaspérer les chefs de famille qui, réunis en assemblée générale le 1er juillet 1780, firent éclater leur indignation en déclarant leur résolution d’abandonner leurs terres plutôt que d’en payer désormais les tailles.

Le maire Adrien eut beaucoup de peine à calmer les esprits; ses efforts dévoués eurent pourtant raison de leur résistance en cette terrible année 1780, à une décennie de la Révolution. »