Un catalogue impressionnant des passions villageoises sur notre commune au XVIIIe siècle.
Voici un passage homérique puisé dans les carnets de l’abbé Saglietto . Une vraie querelle de clocher comme on en fait plus, encore que….
« Avec le XVIIIe siècle, les assemblées du conseil communal devinrent un véritable terrain de lutte où les intérêts divers des hameaux et du village vinrent s’affronter souvent avec une violence homérique .
Parmi les questions soumises à ses délibérations, celle qui avait trait à l’érection d’une « succursale » au Broussan fut la plus passionnément bruyante.
Une des questions à remplir, et non pas la moindre pour obtenir la conversion de la chapelle de ce hameau en paroisse, était de joindre à la requête un avis favorable du conseil communal. Or là gisait l’obstacle. Les intéressés sachant qu’ils ne trouveraient point dans cet organisme une majorité docile, résolurent de recourir à la ruse. On garderait d’abord le silence le plus absolu sur le projet en question, puis on profiterait du jour où les absences donneraient au second consul et aux conseillers du Broussan la maitrise de l’assemblée communale, qui généralement se réunissait tous les mois, pour enlever un vote conforme à leur dessein.
L‘occasion guettée s’offrit le 4 septembre 1718. Parfaitement au courant des empêchements divers où se trouvaient le premier consul et la plupart des chefs de famille du village, les habitants du Broussan se portèrent ce jour-là en foule à l’Hotel de ville, et comme la question à traiter était de première importance, ils décidèrent de tenir une réunion générale, à laquelle prirent part trois conseillers d’Evenos seulement. Dans ces conditions plus que favorables, ont eu vite fait d’envisager les motifs qui militaient en faveur de la succursale et d’arrêter en fin de séance l’urgence de son érection. Un compte rendu de la délibération fut prestement rédigé et joint au dossier qui, confié à deux avocats de Toulon mit l’affaire en cours.
L‘autorité diocésaine fit longtemps attendre sa décision, peut-être parce qu’elle se rendait compte de la division profonde qu’elle entrainerait au sein de la population. Enfin toutes raisons pesées et après avoir fait accepter les conditions qui devait assurer la vie du succursaliste, son Official rendait le 25 mai 1792, un jugement par lequel le hameau du Broussan devenait paroisse.
A la nouvelle de cette sentence qui détachait désormais du point de vue religieux le Broussan d’Evenos, la population du village (Evenos) se ressaisit dans une profonde indignation, doublement atteinte et dans sa dignité et dans ses intérêts.
Le premier consul convoqua immédiatement le conseil général auquel les électeurs du Broussan se rendirent en masse accompagnés de leurs femmes et enfants dans le but méchant d’empêcher toutes délibérations.
Mais la fermeté du président Vidal déjoua leur calcul. Celui-ci en effet, sitôt après avoir ouvert la séance, se mit à leur reprocher en quelques mots et avec force leur perfidie, puis avant même qu’ils eussent le temps de protester, il réclama du lieutenant leur expulsion immédiate de la salle (afin dit-il, que l’on puisse traiter les affaires communales dans l’ordre et la paix).
Cette déclaration énergique provoqua naturellement un violent tumulte parmi ceux qu’elle visait. Au milieu du bruit assourdissant, les deux camps au complet, puisque outre les membres convoqués chacun avait son seigneur, s’invectivaient avec forces menaces, à tel point que le bailli, craignant qu’ils en vinrent aux mains se décida à faire évacuer la salle. La séance suspendue pendant quelques instants fut reprise par les membres de la majorité seulement après avoir arrêté les démarches à suivre pour faire casser la délibération de 1718, ils décidèrent à l’unanimité de donner sans tarder un nouveau règlement au conseil, lequel empêcherait à l’avenir le retour des désordres dont on avait eu à souffrir et enlèverait aux électeurs du Broussan tout espoir de s’emparer, à la faveur des troubles, de la direction même momentanée des affaires communales.
Le projet du nouveau statut fut déposé le 15 juin suivant, sitôt après le renouvellement des membres du conseil communal, sur la table de l’Hôtel de ville, par le consul Piston, qui ayant fait l ‘exposé des motifs, le soumit sans délai à l’élection, malgré les protestations du second consul Giraud et le fit adopter par 12 voix contre 11.
Le P.V. du vote de la résolution immédiatement établi, fut adressé au parlement qui mit deux ans à donner une réponse par laquelle il autorisait la commune d’Evenos à nommer une commission chargée d’élaborer le règlement en question… »