Saviez-vous qu’il était au Moyen-Age le centre d’une intense activité, agricole et pré-industrielle ? Encore une fois l’abbé Saglietto nous guide…
« Au nord du Mt Caume s’étend l’aridité d’un plateau rocheux, sillonné çà et là de vallonnements jadis cultivés, qui porte dans le cadastre actuel le nom d’Orvès.
Orvès au Moyen-Age était une petite commune dont le village fortifié s’élevait sur un rocher, au nord de la ferme de Roboeuf. Ses ruines quoique réduites sont encore apparentes. Le 11 mars 1141, le pape Innocent II confirme les droits de l’évêque de Marseille sur le castrum d’Orvès.. Même confirmation en 1148 de la part d’Eugène III en faveur de l’évêque Raymond II.
Un diplôme de l’empereur d’Allemagne Frédéric I , daté de Pavie et adressé à l’évêque Pierre II, reconnaît les mêmes droits épiscopaux. Cette possession de l’église de Marseille lui venait des évêques Pons I et Pons II qui la tenait de Guillaume I, vicomte de Marseille.
Au XIIe siècle nous trouvons les chartreux de Montrieux propriétaires d’une partie du territoire d’Orvès. Ils achetèrent en 1170 au chevalier Pierrre pour 1700 sous et avec le consentement de l’évêque Foulque de Thorame, une grande pièce de terre sise non loin du castrum, qu’ils acquirent d’ailleurs en partie trente ans plus tard.
La générosité de Guillaume, seigneur de Signes et surtout celle d’un nommé Martin, accrut considérablement la possession de ces religieux dans ce quartier, qui, vers la fin du XIVe siècle finit par leur appartenir intégralement à la suite d’un échange fait avec l’évêque de Marseille, échange par lequel celui-ci cédait aux pères tous ses droits sur Orvès contre quelques unes de leurs terres situées dans la vallée du Gapeau.
Sans vouloir nous étendre sur les bienfaits que les chartreux répandirent dans toute la région, nous devons mentionner toutefois, en même temps que les services rendus à la municipalité, ceux en outre par lesquels ils encouragèrent l’agriculture et initièrent les habitants du pays à certaines branches de l’industrie dont les traces se voient encore sur le sol.
Grâce à leurs bons offices le conseil réussit à faire payer par certains propriétaires appartenant à la noblesse et malgré leurs protestations, les tailles auxquelles étaient soumises leurs terres roturières situées dans les limites de la commune. »
« De la petite plaine d’Orvès dont une bonne moitié aujourd’hui se trouve en friche ainsi que les terrains situés aux fonds des vallonnements, ils retiraient chaque année plus de 150 charges de blé.
Cette culture intense qu’ils réalisaient également sur les autres parties de leurs possessions leur permettait de faire quotidiennement l’aumône du pain à plus de 500 pauvres.
Les chartreux au Moyen-Age se suffisaient à eux-mêmes pour les besoins industriels; ils fabriquaient des peaux, le fer, le verre, le plomb, etc.
Les tanneries de Montrieux passaient pour être des modèles où les professionnels achevaient de s’instruire.
Dans les bois d’Orvès nous avons constaté nous mêmes sur plusieurs points, à la Barrière, à Envès, près de la Font-Martin, des vestiges abondants de verrerie comme d’ailleurs nous en trouvâmes plus tard sur le territoire de Signes à Culde Peirouc, à Agni et à Bramapan dans la commune de Méounes. Une autorisation de l’évêque de Marseille en l’année 1285 accordait aux moines de fabriquer du verre dans les forêts de la baronnie.
Des scories nombreuses de minerai de plomb que nous avons constatées à l’Auberte, aux Sambles, dans le vallonnement des Rigoulets, près du St Trou et à la Font de Caume, n’ont pour nous d’autres provenance que l’activité des chartreux; ce sont eux en effet qui traitaient dans des fours rudimentaires dont nous avons trouvé les galènes apportées on ne sait d’où, probablement des Bormettes afin d’en extraire le plomb nécessaire à la construction où à la réparation des verrières du monastère.
Ajoutons que le service culturel du castrum était assuré par les pères qui chaque dimanche, et souvent dans la semaine, venaient célébrer la messe ou administrer les sacrements dans la petite église de St Michel, encore debout près de la ferme de Robeuf.
Les moines de Montrieux continuèrent à être la providence de toute la contrée jusqu’à la Révolution qui les dispersa brutalement, ruinant ainsi l’oeuvre agricole qu’ils avaient réussi à rendre prospère dans un lieu plutôt aide dont l’aspect désertique et désolé semble être de nos jour la marque d’une malédiction . »
« Outre l’ancienne commune d’Orvès , la section du Broussan comprend encore le quartier de la Piosine qui s’étend de la bastide ruinée du Marou jusqu’au plateau de l’Aigue , c’est à dire toutes les hauteurs basaltiques qui limitent la plaine du Beausset au nord-est.
Nous avons dit au début de cette étude, quelle était l’étonnante fertilité de ce terrain de crête, particulièrement cultivé dans l’antiquité.
Nous avons pu y relever les traces de plus de dix stations gallo-romaines, toutes à débris « sankens », marques évidentes d’une certaine aisance qui n’était pas seulement due à la fécondation du sol mais encore et surtout à l’exercice d’une industrie importante; la population de ce quartier était, en effet, composée de carriers qui consacraient la plus grande partie de leur temps à tailler des meules de toutes dimensions .
Nous avons compté plusieurs centaines d’ébauches de « meta » ou de « catilus » particulièrement , sur et autour du plateau de l’Aigue où se trouvaient les points d’extractions, convertis aujourd’hui en mares par les pluies, d’où le nom d’Aigue ou de Sueilles donné à ce promontoire rocheux , le plus beau belvédère de la contrée sur lequel s’élevait au temps de sa primitive utilisation, une tour de vigie, comme l’atteste un amas de grosses pierres plus ou moins équarries .
C’est à l’époque gallo-romaine qu’il faut faire remonter le nom de « ville » porté par les restes imposants d’une vieille habitation, située à l’est de la position qui nous occupe, auprès de laquelle nous avons ramassé de nombreux fragments de poteries samienne. »
« Ville ou villa ne servait pas seulement à désigner un foyer, mais tout un quartier, toute une vallée, comprenant plusieurs familles de colons (colonicae). Le polyptique de l’église de Marseille rédigé en 841 donne toute une série de villas portant chacune le nom du maître . Nous n’avons, il est vrai aucun document mentionnant le nom de notre « ville », mais comme ses restes gisent dans le quartier de la Piosine, non loin d’une vieille bastide qui a retenu cette appellation parce qu’elle a été la dernière habitée, se trouvant tout près d’un col de passage, et que d’autre part ce nom au XIVe siècle était porté par une terre fieffée, nous croyons avoir le droit de lui attribuer.
Comment cette villa Piosine devint-elle dans la suite une seigneurie et quel en fut le premier possesseur lors du partage des terres provençales entre les vassaux de Guillaume 1er, après l’extermination des sarrasins ?. Autant de questions auxquelles il nous est impossible de répondre.
Nous trouvons cependant dans l’histoire toulonnaise en 1285, un Guillem de Poisinis, damoiseau demeurant à Toulon, qui , le 30 septembre apposa sa signature au bas d’un acte, en vue de garantir sur ses biens, les revenus de la gabelle dont le montant annuel devait être affecté à l’édification des remparts.
Ce Guillem parait n’avoir rien de commun avec les vicomtes de Marseille . Comment son fief passa-t-il plus tard dans la famille des Signiers ?
Par le jeu des alliances probablement. »